vendredi 8 juin 2012

Une lettre d'Otto

Bon.
Bon, bon, bon...
Je regarde le soleil. Ouille ça fait mal. On ne peut pas le voir longtemps.
Est-ce que le Grand Manitou ou Dieu habite dans le soleil ?
Est-ce que sa lumière serait assez forte pour repousser les morts qui marchent ?
Les morts qui marchent ?
Ah, elle est bien bonne, Otto, resers moi un godet ! Vous allez dire.
Non. Non, non et non. Je ne plaisante pas.
C'est dur à expliquer. Je ne sais pas si je peux expliquer.
Je ne sais même pas si j'utilise les bons mots, mon oncle.
Je crois que j'ai besoin de tes lumières... J'ai vu un prêtre se faire égorger, tu sais, et il n'a pas pu lutter contre les morts qui marchent.
Peut-être qu'il n'avait pas assez la foi.
La foi soulève des montagnes, tu m'as dit un jour.
Eh bien, il y en a parmi les miens qui ont utilisé un savoir ancestral, une foi ancienne, et qui ont soulevé une montagne dans le monde des esprits, mon oncle.
Et les morts ont marché dans la ville où j'étais. Je préfère t'en taire le nom pour l'instant, parce que je ne sais pas la position actuelle de l'armée à ce sujet.
Je préfère espérer que les morts n'ont marché que dans la ville où j'étais... Mais j'ai eu une vision envoyée par ma grand-mère. Je crois qu'il y en a d'autres.
Ils étaient si nombreux dans cette ville, mon oncle. Avec ma compagnie, on a dû tenir pour les affronter et permettre aux nôtres de fuir.
Et je vais te dire une chose. A un moment, ça a été vraiment, vraiment, vraiment horrible, ils étaient des dizaines sur notre dos avec Chico. On avait été chargé de placer un tonneau d'explosifs dans la cave de la maison depuis laquelle ils avaient installé un canon qui pilonnait nos positions. Et depuis, je fais des drôles de cauchemars.
J'ai jamais fait de cauchemars. Jamais. Mais des morts qui marchent... Et encore, c'est pas tant les morts qui marchent, parce que eux, tu peux encore les tuer, c'est plus la possibilité qu'ils se réveillent qui m'inquiète, tu vois.
J'ai du mal depuis cet incident à voir des cadavres et la seule manière logique que je vois pour pallier à ça, c'est de leur couper la tête.
Oui. Couper la tête. Tu entends mon oncle. Si jamais, toi aussi, tu tombes sur des morts qui marchent, vise la tête. La tête.
J'ai bien conscience que ce n'est pas très chrétien de vouloir couper la tête des morts ou qu'ils partent en fumée, mais c'est la seule solution que je vois pour qu'ils ne se relèvent pas dans les endroits où ils pourraient se relever.
Alors, voilà, je sais que ça a l'air fou tout ça. Mais tu sais à quel point, je respecte la parole des anciens de la tribu et à quel point je te respecte toi et papa (à ce sujet, j'aimerais bien savoir où il en est avec le chemin de fer)...
Je ne t'écrirais pas des histoires. Tu le sais.
Peut-être que toi tu as vu aussi des trucs. Peut-être.
Et en cas que tu sois influent, il y a une chose tant qu'à faire que j'aimerais bien, c'est que notre compagnie travaille avec toi ou un aumônier que tu pourrais nous recommander. Enfin, quand je dis compagnie... Nous ne sommes plus que quatre (le capitaine Boyd, le lieutenant Mc Killigan et Chuco, en plus d'un magasinier, Peter Walter, et d'un docteur rencontrés sur le champ de bataille). Je ne sais pas ce qu'ils vont faire de nous. Ça ne serait que de moi, j'aimerais bien faire partie d'une branche chargée de lutter contre ces horreurs. Au moins, le combat me semble plus « juste ». Je sais bien que le Nord nous attaque surtout pour des raisons commerciales maintenant. Mais en face, il n'y a souvent que des hommes comme moi, qui n'ont pas forcément demander à mourir sur le champ de bataille.
J'ai eu le temps d'aller passer quelques jours, après les événements, dans la tribu de Chico, le p'tit gars qui nous sert d'éclaireur. Ça m'a fait du bien, tu vois...
Et je me suis rendu compte que pour être totalement rassuré, j'avais juste besoin que tu me causes de la famille, et puis aussi si tout vas bien dans le saloon de Rosie.
Ouais, je sais. T'es pas trop chaud pour que je regarde danser Rosie.
Mais si Dieu nous a donné un don à tous, ça serait péché de ne pas l'exploiter, pas vrai ?
Bref.
Crois-tu que le soleil puisse nous aider à lutter contre les créatures nées des ténèbres ?
Des hommes d’Église, comme toi, ont-ils senti un changement ?
Et crois-tu que la foi puisse faire quelque chose contre ces créatures ?
Je n'ai jamais été persuadé d'autre chose que ma dévotion devait d'abord aller à ma famille et aux miens. Mais, là, seul, en face des ténèbres, je crois que je me suis dit que j'avais besoin d'une lumière intérieure. D'un soleil pour me guider et éviter que ma volonté ne parte en vrille...

Je t'embrasse, mon oncle. Transmets toute mon affection à mon père.
Et je t'en prie, n'oublie pas de donner des nouvelles, surtout si tu as un aumônier à recommander. Tu trouveras ci-joint le numéro de la garnison et la ville où nous nous trouvons.

Otto.

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