Samedi 22 août 1863. Il était malheureusement temps de
retrouver l’armée du Mississippi de Pemberton. Les Bois et Boyd sont venus
accompagner les joueurs sur les quais, pour les remercier et leur souhaiter
bonne chance. Mama Lucille a donné à tous (mais surtout à Otto…), un copieux
panier repas pour leur retour. Faudrait pas qu’ils perdent du poids tout de
même…
Embarquant avec d’autres voyageurs sur un steamboat, le
Sweet Mary, ils font la connaissance d’un certain nombre de personnes :
mademoiselle Gabrielle de Lioncourt, une mulâtresse partant vers le Nord pour
gérer un héritage, messieurs Lovers et Gardner, joueurs de poker passionnés qui
proposent de faire une vraie partie dès qu’ils en trouvent le moment. Otto
découvrit qu’il était devenu aux yeux des soldats un héros, ainsi que les
rescapés de la compagnie D du 6ème de cavalerie.
La chaleur fut accablante et tout ce petite monde
prit l’habitude de se retrouver le soir, lorsque la fraîcheur apparaît, dans le
salon réservé aux passagers.
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le Sweet Mary à pleine vapeur ! |
Le
Sweet Mary entra dans le port de Bâton Rouge le lundi 24 août au lever du jour,
vers les 5 heures du matin. McKilligan, qui avait pris l’habitude de se lever
tôt, remarqua le médecin de bord, John Pearly, qui descendit précipitamment
pour s’engouffrer sur les quais. Un peu plus tard, ils s’en allèrent tous faire
un petit tour en ville, accompagnant mademoiselle de Lioncourt, découvrant le fameux
bâton rouge, qui délimitait les deux rives sur lesquelles furent bâties la
cité. On leur expliqua que le premier explorateur français qui découvrit le
lieu, Pierre Le Moyne d'Iberville, aurait trouvé ce bâton érigé, avec des têtes
de poissons et d’ours dessus, dégoulinant donc de sang. Otto décida
d’accrocher une tête de poisson dessus et brièvement disparût dans un autre
monde, une grande plaine idéale, au soleil rayonnant. Ce rêve éveillé le poussa
à donner de l’argent à un jeune noir pour qu’il mette régulièrement une tête de
poisson sur le poteau.
Le
steamboat repartit vers Natchez, leur prochaine destination. Peu de temps avant
d’entrer dans cette cité, ils croisèrent un tas de cadavres échoués sur une
plage, dans un repli du fleuve. Les hommes d’équipage leurs expliquèrent qu’il
s’agissait des pauvres hères qui s’étaient fait tuer dans la ville, et dont les
cadavres dérivaient pour s’échouer ici. La ville était séparée en deux, une
falaise regroupant les beaux quartiers, surplombant le port fluvial, crasseux
et glauque. On entra dans Natchez-under-the-hill à 14 heures le mardi 25 aoüt.
On surnommait cette partie de la ville « la Sodome et Gomorre de
l’Ouest ». Mademoiselle de Lioncourt prit congé d’eux et sortit de la
ville vêtue comme un homme, un fusil accroché à sa selle, devant leurs yeux
médusés.
Le
joueurs découvrirent une cité où la peur laissait son empreinte, où les hommes
pauvres se vautraient dans les ordures et la misère. Cela leur rappela ce
qu’ils avaient brièvement vécu dans Vicksburg, avant que l’horreur ne déferle
sur eux. Ils rencontrèrent le shérif et le pasteur, qu’ils tentèrent de
galvaniser pour combattre ce qu’ils savaient être les forces du mal lâchés par
Misquamacus.
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Dans les rues de Natchez |
Repartant
de Natchez à la nuit tombée, McKilligan commença sa fameuse partie de poker
avec Gardner, Lovers et Townsend, un nouveau venu. Ses deux camarades y
assistèrent de loin. Ils eurent tous toutefois une drôle d’impression, lorsque
Lovers ouvrit le bal en lançant son premier jeton de mise, comme si quelque
chose venait d’être mis en branle. Ils remarquèrent un vieil homme assis
plus loin dans le salon, qui jouait à
une réussite mais qui surveillait du coin de l’œil ce qui se passait à cette
table.
Toute
la nuit cette impression de malaise continua, jusqu’à ce qu’au petit matin,
Gardner et Townsend se retrouvèrent plumés, s’écroulant d’un seul ensemble sur
la table. Pearly conclut à une double crise cardiaque. Mais les joueurs virent
bien dans son regard qu’il n’en croyait pas un mot. Surtout lorsqu’ils jetèrent
un œil sur les cadavres et qu’ils se rendirent compte qu’ils semblaient avoir
soudainement vieilli de plusieurs années.
Lovers
et McKilligan s’accordèrent une pause : ce dernier en profita pour se
rapprocher du vieil homme, qui lui demanda abruptement ce que cela faisait de
festoyer d’une âme. Devant l’expression horrifiée de McKilligan, il lui
expliqua qu’il s’était engagé dans un rituel qui impliquait que les gagnants en
faisaient pas que plumer leurs adversaires. Ils s’emparaient aussi de leurs
forces vitales. Il ne pouvait plus reculer, il devait aller jusqu’au bout,
mais il lui promit de surveiller son adversaire et de l’aider, si cela devenait
nécessaire.
La
partie reprit et McKilligan eut progressivement l’ascendant sur son adversaire,
bien qu’à un moment, il se sentit saisi d’une fatigue mentale qui disparut
assez soudainement. Le lendemain matin suivant, alors que le navire entrait
dans Greenville, leur destination finale où les attendait l’armée du
Mississippi, Lovers s’écroula mort sur sa chaise non sans porter un dernier
regard d’incompréhension sur McKilligan.
Le
vieil homme s’approcha et récupéra un jeton précis dans le tas de ce dernier,
lui expliquant qu’il reprenait le jeton de l’âme, pour qu’il ne retombe pas
entre de mauvaises mains. Il se présenta sinon comme Enoch Shaw, et lui donna
un livre à lire, le livre des jeux d’Hoyle, lui donnant rendez-vous dans quelques
temps, lorsqu’il y en aurait assimilé l’essentiel….
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Enoch Shaw |