mardi 14 août 2012

Retour aux Bois - 2ème partie

Secoué par ce qu'ils venaient de vivre dans la dernière demeure de Gladys, le capitaine Boyd et ses deux hommes repartirent vers la Nouvelle Orléans. Ils s'arrêtèrent dans un café un peu en aval du débarcadère et burent quelques verres pour faire tomber la tension. Derrière eux, un noir accoudé au fonds de la salle jouait un air triste sur sa guitare, parlant du diable et de sa relation avec l'alcool et les femmes...



Le passage de la bible les avait interloqué, mais Boyd et Otto réussirent en discutant à l'interpréter : Noé ne condamnait pas Cham parce qu'il l'avait vu nu, mais parce qu'il avait commis l'inceste avec sa propre mère ! Cham, le père des peuples de l'Afrique, vit sa descendance condamnée à devenir l'esclave des autres fils de Noé.

la malédiction de Cham (article de Wikipédia)

Devant les questions de plus en plus insidieuses d'Otto et de James, le capitaine prit l'initiative de couper court à la conversation. Revenant dans la demeure familiale des Boyd, ils prirent le temps de décuver avant que M.Sucre ne vienne les chercher pour rencontrer la mambo.
Ils descendirent la Rue Royale, passant devant la maison Lalaurie abandonnée, où un affreux scandale avait éclaté il y maintenant près de 30 ans. Le 10 avril 1834, un incendie se déclara dans sa riche demeure. Les voisins accoururent porter secours et découvrirent plusieurs esclaves vivants, brûlés par l'incendie et surtout enchaînés et mutilés. Le juge Jean-François Canonge, appelé sur place, constata que les esclaves avaient été torturés par leur maîtresse. On l'accusa de la mort de près d'une centaine d'entre eux. À la suite de cet incendie, Lalaurie fuit La Nouvelle-Orléans pour Mobile dans l'Alabama, où elle embarqua pour Paris.  

La maison Lalaurie
M.Sucre les fit entrer dans Jackson Square. Ils entendirent de loin le bruit des percussions de la cérémonie vaudou qui s'y tenait. Ils traversèrent cette ancienne place d'armes, où trônait en son centre la statue équestre du général Jackson qui avait repoussé les anglais marchant sur la ville lors de la guerre de 1812. La cérémonie vaudou tenu par la mambo qu'il venait rencontrer se tenait pas très loin de cette statue. 


Jackson Square et la Cathédrale St Louis
Ils attendirent que les fidèles se dispersent. Ils les virent remercier une femme d'âge mur, proche de la cinquantaine, avec un visage souriant, dotée du corps épanouie et rond d'une femme ayant porté de nombreux enfants. A ses côtés, une jeune femme possédant un air de parenté évident l'aidait, recevait les offrandes et dispensait aussi remerciements et conseils. M.Sucre les présenta à la mamba Marie Laveau, la reine du vaudou de la Nouvelle Orléans comme elle aimait se présenter. 
Elle leur dit en effet que la garnison de la Nouvelle Orléans avait succombé à un sortilège abominable lancé par un puissant bokor, le baron Simon la Croix, mais que cette cérémonie lui avait beaucoup coûté, qu'il s'était retiré pour reprendre des forces. Elle même avait vu ses pouvoir décuplés. 
Elle accepta de mener une petite cérémonie pour tenter de trouver une réponse aux interrogations du capitaine Boyd : qu'est ce qui s'était passé à Vicksburg et comment combattre le mal qui s'était abattu sur eux ? 


Marie Laveau
Seuls Boyd et Otto succombèrent à l'envoûtement de la danse et des percussions menés par Marie Laveau et sa fille : ils eurent un rêve dans lequel ils virent Misquamacus mené une troupe nombreuse d'indiens de différentes cultures jusqu'à une vallée transpercée de nombreux geysers. Il ouvrit un portail spirituel et s'y engouffra avec eux. Quand il réapparu plus tard, il était pratiquement seul, métamorphosé, et sembla libérer de la faille spirituelle une multitude de démons noirâtres qui s'abattirent sur Vicksburg et relevèrent les morts en masse. 


La vallée de la faille
Ils virent les démons investirent les lieux après leur fuite désespérée de la ville, métamorphoser ces ruines, décupler la peur et l'horreur de ceux qui s'y risquaient, se nourrir de celle-ci et la renvoyer à la faille spirituelle, qui semblait l'emmagasiner. 
Ils virent aussi le gouverneur du Texas commander aux Texas Rangers de se répandre dans tous les états du Sud pour y combattre toutes les formes de surnaturel qu'il rencontrerait. Ils virent la scène où l'un d'entre eux entrait dans leur tente pour les recruter. 
Ils se réveillèrent rincés pour accepter l'aide de Marie Laveau, qui leur donna rendez-vous le lendemain vers midi à la plantation familiale pour regarder les vévés inscrits dans la dernière demeure de Gladys. 
Durant la nuit, ils firent tous le même étrange rêve, comme si une présence tentait de les posséder, de les palper dans leur sommeil : si James ne vient rien de particulier, Ivory et surtout Otto discernèrent un grand noir maigre, aux traits racés, portant un curieux haut de forme orné de colifichets vaudou. 
Au matin, Otto fit un crochet à la paroisse Ste Cécile et obtint de la part du père Doyen une petite fiole d'eau bénite. Celui-ci lui enjoignit toutefois de demander au capitaine Boyd de venir le voir le plus rapidement possible...
Ils retrouvèrent Marie Laveau devant la plantation et pénétrèrent ensemble dans la maison de Gladys. Alors que la mamba lisait les vévés, ils furent attaqués par une vague noire qui prit rapidement les traits de l'apparition venue les tourmenter dans leur sommeil. Marie Laveau les plaça dans un cercle de protection et exhorta l'apparition "à laisser son descendant en paix, qu'il n'aurait pas son corps". Devant les yeux traumatisés de Boyd, la vague se disloqua en de multiples serpents noirâtres qui tentèrent de briser le cercle avant de s'évanouir. 

Victor Dubois
Marie Laveau leur expliqua alors de nombreuses choses : les murs décrivaient la cérémonie nécessaire à un bokor pour ressusciter dans le corps de son descendant, mais visiblement il s'agissait plus que cela, car le rituel impliquait des jumeaux pour permettre à d'anciens jumeaux de renaître.

Elle leur révéla que Gabriel Bois, le grand père d'Ivory, était venu le voir traumatisé le soir du 15 avril 1834. Son témoignage, couplé avec celui du père Doyen, qui remit à Ivory le journal de son grand père Gabriel, ainsi que la flasque de rhum de Victor, permit de reconstituer toute l’histoire.
Gabriel Bois était le fils unique de Paul Bois, sa mère était morte en couches en le mettant au monde. Paul s’était éprise d’une de ses esclaves, Antoinette, qu’il plaça comme le voulait la bienséance dans une demeure du deuxième district. Il eût d’elle deux enfants, deux jumeaux nommés Victor et Epiphanie. Gabriel et Epiphanie s’aimaient en cachette de leurs parents, mais leur idylle provoqua la haine de Victor, qui brûlait d’un amour exclusif et malsain pour sa jumelle.
Dans la nuit du 21 mars 1788, Gabriel partit rejoindre Epiphanie, suivit par Victor, qui assista fou de jalousie à leur union charnelle. Victor assomma Gabriel et tua sa soeur, mettant le feu à leur mansarde pour cacher son crime, provoquant l’incendie qui ravagea la Nouvelle Orléans, détruisant 856 immeubles. Mais la chaleur réveilla Gabriel qui s’enfuit sans pouvoir sauver Epiphanie. Antoinette et Paul mourront aussi durant cette nuit, cernés dans leur maison avenue de l’Esplanade. Gabriel, effondré, resserre les liens avec Victor, ignorant l’ampleur de ses crimes.
Victor devint un intime de la maison familiale, 222 rue Royale, dans le Vieux Carré, et il connut la nouvelle femme de Gabriel, Charlotte Duclot, et les deux enfants qui naquirent de cette union, Auguste et Jérémie. Il vit ce dernier s’unir avec l’une des plus riches héritières de la ville, Rebecca Cotton, et la séduisit et en fit sa maîtresse. Ce fut lui qui la mit enceinte, utilisant toute sa sorcellerie pour qu’elle engendre deux jumeaux de sexe opposé. Il espérait ainsi faire revenir l’âme de sa sœur Epiphanie dans l’un des corps, et transférer son esprit dans l’autre.
Le 10 avril 1834, la police découvrit les tortures qu’infligeaient Mme Lalaurie à ses esclaves. Gabriel apprit rapidement que son demi-frère était recherché. S’inquiétant auprès du juge chargé de l’affaire, Jean-François Canonge, il assista et interrogea lui-même certains esclaves terrifiés qui lui rapportèrent que Victor encourageait ces mauvais traitements, qu’il était devenu un bokor craint, qui se vantait d’avoir trouvé un moyen d’être éternel.
Ayant compris que Victor s’était enfui dans les bayous, il emmena avec lui son fils Jérémie et quelques esclaves pour traîner Victor devant la justice. Ils le rattrapèrent le 13, en train de mener une cérémonie impie dans le Bayou Sauvage proche des ïles Vénetiennes. Une terrible bataille opposa les adeptes à l’expédition et seul Gabriel, Jérémie en sortirent vivants : Victor, mortellement blessés, les maudit et leur avoua tous ses crimes. Jérémie, apprenant que les enfants qu’il attendait n’étaient pas les siens devint fou et se lança dans les marais. Resté seul, Gabriel acheva Victor et laissa son cadavre pourrir sur place, lui refusant une sépulture chrétienne.
Il partit chercher son fils mais ne retrouva que son chapeau flottant sur des sables mouvants. Il revint seul de son expédition le 14 avril, et informa le juge Canonge que justice avait été faite.
Le soir du 14 il confondit sa belle-fille Rebecca devant son père Thomas Cotton et sa belle-sœur Gladys, et lui fit avouer qu’elle avait une relation avec Victor. Atterrés, les deux grands-pères furent d’accord pour étouffer l’affaire et déclarer les enfants mort-nés s’il le fallait.
Grâce à Pierre Sucre, le père d’Henri, Gabriel rencontra Marie Laveau le 15, qui lui prophétisa que son demi-frère reviendrait hanter sa famille. Seul un objet personnel pourrait contrecarrer son retour. Gabriel retourna dans le Bayou sauvage et récupéra la flasque de rhum que trimbalait partout Victor, et qui était devenu l’un de ses fétiches vaudous les plus puissants.
Le 16, il se confessa auprès du père Doyen, lui confia la flasque de rhum et son journal, et rentra se pendre.

Ebony Boyd
 Son fils et sa belle famille étouffèrent le scandale : pour tous, le grand père était mort de chagrin après la perte de son fils et de son demi-frère. Quelques mois plus tard naquirent les jumeaux, Ivory et Ebony, l’un blanc maladif, l’autre d’un noir d’ébène. Le premier devient officiellement l’héritier de la famille, la deuxième fut placée auprès d’une famille d’affranchis dans la troisième municipalité, et l’on s’assura qu’elle ne manqua jamais de rien. Ordre fut donnée à toute la maisonnée de ne plus jamais en parler…
Revenu en plein orage dans la demeure familiale le soir même, Ivory Boyd eu une conversation houleuse avec sa mère, Rebecca, qui lui avoua sans vergogne qu’elle avait aimé à la folie Victor, et pas du tout son mari, et qu’il n’était que le pâle reflet de son vrai père.
Ivory ordonna alors à James McKilligan d’aller protéger Ebony, craignant qu’elle ne soit la prochaine cible de Victor. Le lieutenant fit jurer à Otto de veiller sur leur capitaine.
Dans la nuit, Charlie et Rebecca Boyd tentèrent d’enlever Ivory après l’avoir drogué :mais grâce à l’intervention d’Otto et de M. Sucre, le capitaine Boyd réussit à repousser sa mère et son amant spectral. Charlie fut tué d’un coup de fusil de chasse par Henri Sucre.
Quand à Rebecca Boyd, Thomas Cotton et Ivory Boyd décidèrent de l’enfermer au couvent des ursulines pour qu’elle y expie ses fautes. Le capitaine fit revenir Ebony au sein de sa maison, 222 rue Royale, pour qu’elle y vive selon son rang, selon ses propres dires. Thomas Cotton n’approuva pas cette décision, mais s’y plia.

3 commentaires:

  1. Duff: " Très beau résumé. Ce qui est super intéressant avec notre bon MJ c'est qu'on apprend beaucoup de chose et cela me plait énormément."

    McKilligan: "Depuis que j'ai mis les pieds dans cette ville de fou je vis en plein cauchemard et c'est de pire en pire......"

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  2. Hum. Elle est jolie Ebony, mon dieu. Bon, reste plus qu'à aller dans les bayous avec les vaudous dans ce résumé :) (mais ça c'est pas joué)...

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  3. Bientôt la suite, Otto content.

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